Le coeur lourd. [Lee Hyun-Su feat. Kurosawa Ryôga.]

I D o n ' t K n o w W h a t T o S a y N o M o r e . . .

[Les cachots : Le Coeur Lourd. - Hyunsu feat.Ryôga.]

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Toc toc toc. Quelqu'un frappait à la porte. Je jetai un regard vers Hyun Lee, qui dormait comme un bébé. Rien ne pouvait le réveiller, je crois. Mon chien réagit à mon déplacement et me suivit en trottinant jusqu'à la porte. Lorsque je l'ouvris, je vis Soelbi, le visage aussi impassible que le mien. Il était à peine cinq heures du matin. J'ouvris un peu plus grand la porte pour qu'elle entre, posant le doigt sur mes lèvres pour lui indiquer qu'il valait mieux parler à voix basse pour éviter de gêner mon ami dans son sommeil. Elle passa devant moi, les lèvres closes, et s'installa sur mon lit, appuyée contre le mur, ses chaussures sur mes draps.

#_Retire tes pieds de là !
#_Faut qu'on parle, Hyun-su.
#_Tu vas salir les draps...
#_Rien à foutre. Il y a plus important.

Elle sortit de sa poche un morceau de parchemin, qu'elle me jeta à la figure. Je le dépliai d'une main hésitante. Je reconnaissais bien sûr l'écriture, celle de ma génitrice. Sa cruelle, froide et redoutée écriture. Les lettres étaient d'un rouge sanglant. Un elfe de maison avait sûrement servi d'encrier une fois de plus. Je frissonnai. Une lettre écrite de la main de ma mère ne pouvait rien présager de bon. J'entrepris finalement de la lire, tremblant.

"Ma chère nièce.

Vos études touchent à leur fin. Vous savez, bien sûr, ce que cela implique. Vous aurez l'honneur, l'an prochain, de devenir Madame Lee, ma belle-fille, épouse de mon unique fils. Voyez là un grand honneur, car vous deviendrez à titre légitime Mère des prochains héritiers du nom. Je vous serais grée de bien vouloir vous joindre à moi durant les prochaines vacances, afin que je vous enseigne l'art d'être maîtresse de maison, et comment être une bonne mère pour l'enfant que vous concevrez le soir des noces. Je ne puis souffrir la moindre absence de votre part. Ne déshonorez pas votre famille, je vous prie.

Votre Tante et Belle-mère, Mme Lee."

Je pouvais sentir une veine palpiter à ma tempe. Je jetai le papier par terre, me jetant sur mon lit avec toute la force de ma haine qui s'emparait de moi. Soelbi me regarda d'un air grave. Pour une fois, je n'avais même pas envie de la voir partir. La situation nous concernait tous les deux, et c'était ensemble qu'il fallait trouver une solution. Nous avions décidé quelques jours plus tôt que nous serions solidaires dans nos soucis communs, afin d'éviter que l'on établisse des plans chacun de son côté en se mettant en danger. On était plus fort à deux. Seulement, nos parents étaient quatre et adultes. Et surtout, ils étaient dangereux.

#_Ils ne nous laisseront donc jamais tranquilles...
#_On ne pourra pas leur échapper éternellement.
#_Je ne veux pas être ton mari.
#_Parce que tu crois qu'ça me plairait d'être ta femme ?
#_C'est contre nature. Tu vas faire quoi alors ?
#_J'en sais trop rien.

Elle sorti de sa poche quelque chose qui ressemblait à une cigarette. Mais lorsqu'elle l'alluma, ça avait une autre odeur. De la drogue ? Je lui arrachai de la bouche, et la jetai par la fenêtre. Elle paru offusquée. Je montrai Hyun Lee d'un geste de la tête tendis que je refermais la fenêtre.

#_On ne fume pas ici, et encore moins quand Hyun Lee est présent. Je ne veux pas que tu l'intoxique.
#_Dis plutôt que tu t'inquiète pour moi !
#_Sûrement pas. T'es rien de plus qu'un problème à résoudre.

On discuta longuement à propos de cette lettre et de ce qu'elle comptait faire pour échapper à la pression de ma mère. Malheureusement, on ne trouva aucune solution immédiate, si ce n'est celle d'accepter l'union - chose que nous voulions à tout prix empêcher. Donc autant dire qu'on n'avait trouvé aucun plan. Lorsqu'elle parti, je me dépêchai d'aller me doucher, avant d'aller arpenter les couloirs, pensif. Je ne voulais pas de cet avenir qu'ils nous réservaient. Je ne voulais pas d'un amour forcé. Tout ce qu'ils nous obligeraient à faire, était tout simplement inhumain. Se marier, avoir des enfants, c'est bon pour les couples qui s'aiment depuis longtemps. Nous, nous ne nous aimions pas, et nous étions cousin et cousine. Nous aimions quelqu'un, chacun de notre côté. Nous avions trouvé notre bonheur, et on nous l'a arraché. Je me dirigeai, pensif, vers les cachots, où j'avais coutume d'aller m'asseoir dans un coin lorsque je ne me sentais pas très bien. Personne ne passait par là, en général. Et encore moins à une heure pareille. Je m'asseyais donc dans un coin sombre des cachots, avec la boule au ventre. J'avais le cafard. J'avais peur de ne pas réussir à échapper au destin qu'ils m'avaient tracé. Des bruits de pas vinrent troubler mon silence. Je ne bougeai même pas. Il y avait des chances pour qu'on ne me voie même pas, dans l'obscurité des cachots. Alors pourquoi mettre ma présence en évidence ?

C'était une de mes premières nuits blanches de l'année, la dernière dernière datait d'il y a au moins deux mois... Et celle-ci fut certainement une des pires. Je n'arrivais pas à dormir, j'avais comme un coup de couteau à chaque fois que mon téléphone vibrait. Cette nuit là je ne me sentais pas bien car mon meilleur ami, Tsuki, s'acharnait sur moi pour une simple raison : j'avais oublié de nourrir Tsuchigumo, sa mygale qu'il m'avait confiée durant l'après-midi. C'était pourtant pas un drame ! Je jetai mon téléphone dans le mur avant de sortir de ma chambre et d'aller me réfugier dans un endroit calme et sombre comme j'aimais le faire quand je me sentais mal.

Je marchais dans les couloirs, sans bruit, hésitant entre Les Terrifiantes Catacombes et les Cachots lugubres. Il parait que de plus en plus d'élèves se réfugient dans les Catacombes, je me dirigeai donc vers les Cachots pour être seul. Je pénétrai dans l'immense prison du Temple Céleste, cherchant un endroit calme où me reposer en paix, ou rien ne pouvait m'empêcher d'être tranquille, mais je ne savais pas encore ce qu'il allait m'arriver. A peine avais-je parcouru vingt mètres que des bruits -sûrement des pleurs- vinrent attirer mon attention.

- LUMOS !

Je vis Hyun-Su, assis contre un mur, les yeux pétillants et légèrement rouges à force de pleurer.

- Heu... Quelque chose ne va pas ?

Je m'approchai de lui à petits pas , ma baguette luisante dans la main. Qu'est ce qu'il avait l'air cool...

Je ne voulais pas d'elle, je ne voulais pas de cet avenir. Je ne voulais pas non plus d'être enchaîné à un rôle de mari et de père, non seulement bien trop tôt mais en plus contre ma volonté. Je voulais de la liberté. Je voulais suivre mes rêves et abandonner les traditions. Les bruits de pas se rapprochaient, troublant mon silence. J'espérai ne pas être découvert. Personne jusqu'à présent ne m'avait pris en position de faiblesse, si ce n'est ce vampire avec qui j'avais échangé quelques confidences. Même mon camarade de chambre m'avait toujours vu sous le même jour. Ma posture habituelle. La tête haute, le visage inexpressif, toujours froid et dépourvu d'émotions apparentes. Bien sûr, je ressentais les choses. Comme tout le monde. J'étais un être humain, quoi que l'on puisse dire. Le sang pur n'épargne pas la conscience. C'était la famille qui la corrompait, et uniquement la famille.

- LUMOS !

L'exclamation du sorcier me prit au dépourvu. Moi qui pensais ne pas être dérangé ici à une heure si avancée, je m'étais trompé. La lumière émise par la baguette de l'intrus éclaira les murs autour de moi. Je n'osai pas regarder la personne émettrice de ce sortilège. Pourvu que ce ne soit pas un enemi. Même si je n'avais pas énormément d'amis - je pouvais aisément les compter sur les doigts d'une main. Je regardai le sol, à moitié aveuglé par la lueur de la baguette.

- Heu... Quelque chose ne va pas ?

L'innocence de cette voix me rappelait quelqu'un, mais je n'aurais su dire qui. Qui était-il pour se soucier de moi ? Je levai le regard vers le visage de cette personne qui s'approchait lentement de moi, plissant les yeux. La lumière me gênait. Je distinguai un visage vaguement familier. Un Japonais, à vue de la rondeur de ses traits. Avec de grands yeux, et une façon de s'habiller qui me rappelait mon jeune cousin. Il devait sûrement s'agir de l'un de ses amis, ça expliquait pourquoi son visage me disait quelque chose. Je l'avais sûrement vu au concert d'Halloween ou à l'anniversaire de Kim Sunghae. Je tourne la tête, fuyant son regard.

- Je n'ai besoin de la pitié de personne.

J'aurais voulu dire cela sur un ton ferme, mais je ne parvint pas à contrôler la boule que j'avais dans la gorge qui donna un ton de détresse complètement contradictoire à mes paroles. Je pris une profonde inspiration, et passai la main dans mes cheveux rose-pâles. Je ne voulais pas dévoiler mes secrets à un inconnu. J'avais déjà trop de peine, je ne voulais pas m'attirer davantage d'ennuis.

- Je n'ai besoin de la pitié de personne.

Je m'approchai de lui, et m'assis à ses côtés. Il passa sa main dans ses cheveux. Un silence s'installa, jusqu'au moment où je pris sa main, elle était douce comme la,peau d'un bébé, ce qui ne me déplaisait pas d'ailleurs...

- T'es sûr ? T'as pas l'air dans ton assiette...

Je n'osais pas le prendre dans mes bras, il avait l'air plutôt antisocial, puis je ne me serais jamais permis de câliner quelqu'un comme lui. Cependant, même si je n'en étais pas capable, je dois dire qu’il me plaisait bien. Je croisai son regard, des yeux magnifiques se distinguaient malgré la faible lueur de la pièce. Je sentis la chaleur monter en moi, mes battements de coeurs s'accélérèrent.

- Ne t'inquiète pas, je suis là pour toi si tu changes d'avis.

J'embrassai sa joue, je préférais y aller doucement avec lui, il était plutôt réputé comme "à éviter", ce qui le rendait encore plus intéressant. Outre ma bonne éducation et ma timidité, j'avis comme une envie d'évasion, une envie de me rapprocher de ce que tout le monde ici appelait "le danger"...

Le jeune garçon s'approcha de moi. Je ne bougeai pas. Je restai silencieux, et on n'entendait que les vibrations des murs causées par les allées et venues des élèves à l'étage supérieur. L'heure de la douche et du petit-déjeuner devait être arrivée. Le japonais était près de moi, et je me sentais mal à l'aise. D'habitude, les gens ne s'approchaient pas de moi. Je sentis une main prendre la mienne, et je frissonnai. Je n'eu même pas le réflexe d'esquiver. Je regardai sa main sur la mienne, étonné.

- T'es sûr ? T'as pas l'air dans ton assiette...

Je ne répondis pas. Bien sûr que je n'étais pas dans mon assiette. Je pleurais ! Je voulais enlever ma main de la sienne mais je n'y arrivai pas. C'était une sensation étrange. J'avais l'impression qu'il ne voulait pas que je le fasse. Je le regardai d'un air sévère. J'entendais les battements rapides de son coeur, tandis que le mien restait simplement de marbre.

- Ne t'inquiète pas, je suis là pour toi si tu changes d'avis.

Il m'embrassa sur la joue. Je restai tétanisé quelques instants, puis m'essuyai la joue. Puis je le regardai dans les yeux, toujours aussi froid, malgré le sentiment de gratitude qui essayait de percer mon âme. Je ne répondis toujours pas à ses mots. Cependant, je n'enlevai pas ma main de la sienne.

- Tu es un ami de Ju Yeong, n'est-ce pas ?

J'avais dit ça d'une voix un peu tremblante. Je savais que c'était l'un de ses amis. Je n'avais même pas besoin d'une confirmation pour en être sûr. Mais je voulais changer de sujet. Je ne me rendis même pas compte que mon pouce caressait doucement la paume de sa main. J'avais besoin d'un soutient, même si je n'en voulais pas, et il était là. Je lâchai finalement sa main, et regardai ailleurs. J'étais gêné.

- Tu es un ami de Ju Yeong, n'est-ce pas ?

J'hochais doucement la tête, un petit sourire aux lèvre. Je sentis un frisson quand son pouce se mit à caresser ma main, j'avais enfin l'impression de compter pour lui, même si ce n'est qu'un moindre geste. J'avais une sensation de bonheur, ce qui se faisait rare ces derniers temps. Sa main lâcha la mienne, son regard se détourna. Moi je ne le quittais pas des yeux, j'avais les pommettes un peu rosies. Un léger sourire se devinait sur mon visage. Je me mis à lui chuchoter

- Alors... C'est vrai ? Tu ne m'as pas reconnu ?

Je penchai la tête, ne te quittant pas des yeux... Des cernes commençaient à apparaître sous mes yeux noisettes.

- Alors... C'est vrai ? Tu ne m'as pas reconnu ?

Je me mordais nerveusement la lèvre. Bien sûr que je l'avais reconnu, bien sûr que je savais que c'était ce garçon là, celui qui me courait après et qui ne me laissait pas tout à fait indifférent. Mais avouer l'avoir reconnu serait comme admettre qu'il me plaît et que j'ai retenu son visage. Dans le moindre détail, d'ailleurs. Je lâchai finalement un soupir, légèrement gêné, puis tourne les yeux vers lui, avec toujours ma voix glaciale que les cachots imitaient en écho.

- Bien sûr que si, je ne suis pas stupide.

J'observais son visage. Il semblait fatigué. Tout compte fait je décidai de briser mes habitudes, et reposai ma main juste à côté de la sienne, comme pour l'autoriser à la reprendre. Quoi ? Je n'allais tout de même pas la prendre par moi-même, je ne me rabaisserais tout de même pas à ça. Je n'ai jamais été ce genre de personne tactile et entreprenante. Les seules personnes autorisées à me toucher étaient Ju Yeong et Hyun Lee. Mais cette fois, je m'ouvrai à une troisième personne.

- Bien sûr que si, je ne suis pas stupide.

C'est bien ce que je me disais. Il se rappelait de moi. Et si je n'étais qu'un simple gamin pour lui ? C'est la question que je posais depuis le soir d'Halloween. J'avais l'impression d'être minable à côté de lui. J'avais vraiment l'impression d'être nul. Sa main vint se poser près de la mienne. Après quelques secondes d'hésitation, je la pris dans la mienne et la caressai tendrement. Sa peau était si douce. J'avais l'impression qu'il tenait quand même à moi, au moins au fond. L'impossible venait de se réaliser. J'avais touché l'intouchable Hyun-Su. Je le regardais en souriant un peu, j'étais fatigué, mais cette scène me le faisait oublier. Je rougissais un peu plus,

-Je sais que tu n'es pas stupide. C'est moi qui le suis...

Je baissai les yeux. Ma main caressait toujours la sienne.

Le toucher de sa main me fit légèrement frémir, mais je gardai une expression neutre, fidèle à moi-même. Alors qu'il me caressait doucement la main, mon regard s'attarda dessus un instant puis remonta vers son visage rougeoyant. Cette attitude m'arracha un rictus.

-Je sais que tu n'es pas stupide. C'est moi qui le suis...

A ces mots je haussai légèrement les sourcils. Je pris une profonde inspiration, m'apprêtant à me montrer différent de ce que je suis habituellement. Plus "gentil", peut être, même. J'hésitai un long moment avant de faire retentir ma voix arrogante légèrement plus douce qu'à son habitude.

- Pourquoi le serais-tu ?

La main qu'il me tenait se mit doucement à caresser la sienne. Je perdais le contrôle de moi-même.

- Pourquoi le serais-tu ?

Je baissai les yeux, me mordant la lèvre inférieure. Sa main caressait la mienne.

- Je sais pas, je suis stupide, c'est tout... Je m'attache à des gens auxquels je ne devrais pas m'attacher.

Je me grattai un peu la tête, pensif... Je pensais à tout et à rien. Je ne savais même pas à quoi je pensais... J'étais vraiment perdu dans un océan d'idées abstraites, D'un coup je me sentis comme emporté. Je le pris dans mes bras, et pleurai sur son épaule...

- Qu'est ce que tu dois penser de moi ?

Ma main vint caresser son dos.

Je fus on ne peut plus surpris par son geste. Le fait de me sentir sous l'étreinte de quelqu'un, d'être touché et même emprisonné par des bras avait toujours été quelque chose que j'évitais particulièrement. De toute manière personne ne m'avait jamais enlacé. J'avais toujours été réticent aux contacts humains, et plus encore aux signes de tendresse. Une part de moi voulait le repousser et lui mettre une soufflette. Mais l'autre part de moi l'emporta, et je restai donc ainsi sans bouger, le laissant caresser mon dos sans contester. Ses larmes humidifiaient la dentelle de ma chemise à jabot, ce qui m'arracha une légère grimace, mais je préférai passer outre cela.

- Qu'est ce que tu dois penser de moi ?

Je ne répondis pas. Je restais à regarder le mur face à moi, en détaillant les pierres. Je n'étais pas d'un grand réconfort. J'étais encore moins d'une grande compassion. J'étais juste ce genre de personne qui se croit au-dessus de tout, qui se sent souillé lorsqu'on le touche, qui hait la compagnie des gens. Et pourtant. Pourtant ma main vint se glisser dans son dos à son tour, malgré l'absence d'expression de mon visage. Je lui caressai maladroitement le dos. Caresser. Ce verbe m'avait été jusqu'alors inconnu. Qu'étais-je en train de faire ? Me transformer ? Certainement pas. Peut-être était-ce simplement parce qu'il me plaisait, car oui, je l'admets, il me plaisait. Et c'est peut-être ça qui me poussa à faire ce que jamais je n'aurais cru faire, d'autant plus avec un garçon. Je posai mes lèvres sur sa joue, l'espace d'un quart de seconde, avant de tourner à nouveau la tête vers le mur, l'air de rien. Moi-même je cru avoir seulement songé à ce geste, tellement il fut rapide.

Quand ses lèvres touchèrent ma joue, j'eus comme une sensation bizarre. J'avais l'impression de compter pour lui, j'étais heureux. D'un autre côté, j'avais l’impression de lui faire pitié. Je n'aimais pas trop ça, mais pour que Hyun-Su ressente quelque chose, il fallait y aller. Je me mordis la lèvre, puis le serrai dans mes bras.

- Je t'aime Hyun-Su...

Cette phrase était sortie toute seule, je fis les gros yeux, tout rougissant. Je me sentais bête, je savais qu'il ne m'aimait pas.

- Je t'aime Hyun-Su...

Ses mots me firent étrangement frémir. J'essayai de refouler cette émotion, ne voulant pas me dévoiler davantage. J'étais déjà bien trop dénudé de ma carapace. Mais je n'arrivais pas à rester de marbre. Commençant par me dégager de son étreinte je ne pu garder un instant de plus mes pulsions, et regrettai déjà de l'avoir repoussé. Je lui pris alors le visage entre mes mains, plantant mon regard froid et pourtant ponctué d'une légère lueur de sincérité, chose tellement rare chez moi, dans le sien.

- Je t'avouerais que... Je... Ne suis pas insensible à tes paroles, Kurosawa Ryôga.

Un effort surhumain. C'est ce qu'il m'avait fallu. Et ce n'est rien à côté du miracle qui suivit. Alors que je voulais fuir, m'en aller et jouer aux indifférents, mes lèvres en décidèrent autrement et allèrent rencontrer les siennes, dans un baiser doux et quelque peu timide. Ou disons plutôt, un baiser hésitant, car la timidité m'est aussi une notion inconnue. Oui, hésitant, maladroit, et imprévisible. Mes yeux se fermèrent automatiquement, et lorsque je reculai la tête en les ouvrant à nouveau, tentant de garder mon habituel visage de glace, je me rendis compte de ce que je venais de faire, et pour la première fois de ma vie, je sentis un très légère teinte rosée prendre place sur mes joues pâles.

Ses mains vinrent se poser sur mon visage. S'agissait-il d'un signe d'affection ?

- Je t'avouerais que... Je... Ne suis pas insensible à tes paroles, Kurosawa Ryôga.

Je ne m'attendais vraiment pas à ce genre de réponse, lui qui était intouchable. Mes yeux se mirent à grossir, mon regard se perdait dans le vide. Mon pouls s’accélérait de plus en plus. J'étais à la fois choqué de l'entendre dire ça et heureux de voir que ce que je ressentais était au moins accepté de son côté. Ses lèvres vinrent se poser sur les miennes.Je devins cramoisi d'un coup. Je ne m'y attendais encore moins. J'étais transporté, j'étais sur un nuage. Dans tous les sens du terme...

- Je dois prendre ça comment, Hyun-Su ? ♥

- Je dois prendre ça comment, Hyun-Su ?

Sa question m'irrita. C'était déjà assez embarrassant pour moi d'avoir agit comme je l'avais fait, alors si en plus il fallait que j'explique mon geste... Je toussotai, tournant la tête dans le sens opposé. Je me levai finalement, évitant autant que je le pouvais de croiser son regard. Je ne savais pas vraiment où nous en étions, du coup. Je ne savais même pas s'il était au courant du destin qui m'attendait. Je soupirai.

- Crois-tu donc que je suis le genre de personne à offrir mes lèvres au premier venu ?

Mon ton était sec, froid. Je mis les mains dans mes poches, les yeux plantés dans le mur derrière lui.

Il se leva et s'éloigna un peu de moi, j'avais l'impression d'avoir fait une boulette.

- Crois-tu donc que je suis le genre de personne à offrir mes lèvres au premier venu ?

Je baissai les yeux, il est vrai que ma question était assez bête. Je m'en voulais de lui avoir posé. Je me levai à mon tour, je quittais pas ses yeux du regard et m'approchai de lui.

- Non, tu n'es pas un de ceux-là. Je m'excuse de t'avoir posé cette question.

J'avais honte, mes yeux s'emplirent de larmes. Je le pris dans mes bras, d'un geste hésitant et posai ma tête sur son épaule pour ne pas qu'il me voie pleurer. Je tremblais légèrement.

- Non, tu n'es pas un de ceux-là. Je m'excuse de t'avoir posé cette question.

Je le regardai alors se lever à son tour et venir me prendre dans ses bras, grimaçant légèrement à ses paroles. Je savais bien que ses excuses étaient sincères mais j'étais tout de même vexé. Je soupirai, et passai finalement un bras dans son dos pour le serrer contre moi, sentant son souffle chaud dans ma nuque. Moi qui haïssais le contact humain, j'étais en train de contredire totalement ma philosophie en le collant à moi de la sorte. Si mère m'avait vue, elle aurait sûrement fait une crise cardiaque. Serrer ainsi contre mon corps un homme, au sang impur, et pas noble pour un rond. Un homme du bas peuple. Mais cet homme du bas-peuple-là me plaisait, je n'y pouvais rien. J'aimais sa présence près de moi, comme j'avais aimé jadis la présence de Qian-Mei. J'espérai juste que cela ne se termine pas comme avec elle. Le regard rivé sur le mur de pierres en face de moi, je soupirai finalement, posant ma tête contre la sienne sans réellement m'en rendre compte.

- Je ne sais pas si Ju Yeong t'a dit ce qui m'attendait d'ici quelques années...

Ma voix se brisa. Je n'en parlais jamais à personne. Mais je ne pouvais pas vraiment faire autrement.