Besoin de solitude... (Sunghae & Nayung)

Le jour touchait à sa fin. Les cours étaient terminés, les heures de colle aussi, et le ciel était teinté d'un violet léger, oscillant vers le bleu. Le coucher de soleil était presque là. Je n'étais pas réputé pour être un grand romantique, je préférais de loin le plaisir de la chair et les aventures fougueuses - mais le coucher de soleil et moi, c'était une toute autre histoire. J'aimais bien, de temps en temps, aller me mettre à une fenêtre et observer le ciel orangé virer au rose. Je traversai alors le parc, guilleret, pour aller jusqu'au grand arbre où se dressait la cabane. Les planches de bois clouées au tronc se frayaient un chemin entre les branches et les feuillages. Je les escaladai sans grande difficulté, le sac sur le dos et les cheveux secoués parla brise. Lorsque j'arrivai en haut, je fis apparaître un fauteuil confortable près de la fenêtre. J'aimais pas vraiment les vieilles chaises qui étaient couvertes de poussière, dans les coins sombres de la cabane. Je sorti de mon sac mon unique amour éternel - Lucette, ma magnifique petite tortue. Oui, il n'y avait qu'elle que j'étais sûr d'aimer toute ma vie. Elle, et mes deux meilleurs amis. Les autres gens... Les autres gens ne sont que des personnes éphémères.

- Où elle est la plus jolie ? C'est qui la plus jolie ? Oh mais elle est là ! C'est ma Lucette ! Gouzigouziiiii !

Qu'est ce que je pouvais être gaga moi... Ma pauvre tortue devait vraiment me trouver stupide. Je la posai finalement sur mes genoux après m'être assis sur le fauteuil, observant le coucher de soleil qui donnait des reflets oranges, rouges et roses au ciel. J'étais tellement absorbé par ce magnifique spectacle, que je n'entendis même pas que quelqu'un entrait. Je ne m'en rendis compte que lorsque ma tortue, apeurée, rentra toute entière dans sa carapace. Je me retournai alors, surpris. Je ne voyais pas grand chose. L'entrée de la cabane était plongée dans la pénombre.

- Il y a quelqu'un ?

J'étais installé sur un tabouret pas du tout confortable dans le cour de potions magiques. Je m'ennuyais. Ce cours portait sur la fabrique d'un filtre d'amour, heureusement, nous devions être en binôme. Je me suis mise avec celui qui n'avait personne, c'est assez cruel à dire mais je prenais les "restes" puisque je n'avais pas d'amis. Je l'ai laissé faire tout le boulot. Mes sois-disant camarades étaient tout excité à l'idée de pouvoir dévier les sentiments de quelqu'un pour soi. C'était assez futile. A la fin du cours le professeur ma donner la fiole du fameux filtre. Je l'ai mal prie : Je ne veux pas de votre pitié. Je n'ai pas d'amis et je n'en veux pas.. J'ai pris la fiole en ayant le regard méprisant tandis que le professeur me regardais avec un grand sourire, ce qui m'a dégoûté. Quand nous sommes sorti de la classe, j'ai discrètement vidé le liquide à la poubelle et jeté le flacon avec. Je me suis dirigé vers un banc en marbre disposé dans le parc et une petite bête s'accrocha à moi.

- Salut toi. Ça te dirais d'aller dans notre petite cachette ? Il y a vraiment trop de bruit ici.

Je la pris dans mes mains et marcha en direction d'un arbre tout en la caressant. Je leva la tête pour voir la petite cabane dans ce magnifique arbre que j'avais découverte quelques jours plus tôt. Je la trouvais tellement paisible, il y avait un silence tellement mélodieux que je m'endormais souvent sur le canapé posé près de la fenêtre. Le ciel était magnifique, d'un côté, il me rendait assez nostalgique... Je montais les marches et ouvra la porte puis la referma doucement pour ne pas déranger se silence que les autres diraient "pesant". Mon amie ne s'envola pas comme à son habitude, je trouvais cela suspect quand j'entendis une voix, on aurait dit une voix d'homme.

- Il y a quelqu'un ?

Mon corps s'arrêta net et un long frisson me parcourut. Je ne puis sortir un mot.

Aucune réponse. Mais j'étais persuadé qu'il y avait quelqu'un avec moi dans cette cabane. Je connaissais suffisamment l'endroit pour remarquer que je n'étais pas seul. L'atmosphère était différente de d'ordinaire, et ce n'était pas dans les habitudes de Lucette de jouer à cache-cache pour rien. Je sortis alors ma baguette, espérant ne pas retomber sur le vampire qui m'avait amoché le visage. Je commençai par murmurer un Lumos. La faible lueur de ma baguette laissa apparaître une silhouette féminine dans l'encadrement de la porte, mais je ne la voyais pas bien, et elle n'avait pas l'air d'être décidée à s'approcher. Pour éclairer un peu plus la porte, j'amplifiais la lumière de ma baguette. Lumos Maxima. La lumière s'était répandue dans toute la pièce, et je pu voir le visage de la jeune fille. Je l'avais déjà vue. Elle était en 7ème année, comme moi. Toujours en solitaire, dans le fond de la classe, et assez... Antisociale. Je me doutais qu'elle ne serait pas d'une compagnie très joyeuse. Toutefois, peut-être que, loin des regards des autres, elle était différente. Ou du moins, peut-être qu'elle ne détestait pas autant la compagnie des autres qu'elle n'en avait l'air. Je ne savais pas grand chose d'elle, hormis son nom et le fait que certains la trouvaient "bizarre".

- Shim Na Yung ? N'aie pas peur, c'est pas parce que je suis défiguré que je vais te manger.

Je fis apparaître un deuxième fauteuil, identique à celui sur lequel j'étais assis, supposant qu'elle comptait s'asseoir ici elle aussi. J'éteignis ma baguette, la rangeai dans ma poche et tentai de rassurer Lucette.

- Allez ma puce, sort de là. Tu crains rien, c'est promis.

Elle sorti sa petite tête et mordilla mon doigt. J'adorais lorsqu'elle faisait ça. C'était comme un petit bisou à sa façon, en quelques sortes. Mon regard se perdit à nouveau à l'horizon, le soleil se couchait progressivement derrière les arbres du bois qui longeait l'Académie.

- Que fais-tu ici ?

Bien que sa voix soit froide, sa question m'arracha un léger sourire. C'était plutôt à moi de poser cette question, en fait. Elle n'avait pas bougé d'un pouce. Caressant la petite tête froide de ma tortue, et sans quitter des yeux le coucher de soleil, je lui répondis, avec ma douceur habituelle.

- Je viens ici dès que j'en ai l'occasion, depuis un peu plus de cinq ans. Lorsque j'ai besoin d'être loin du regard des autres.

Je me sentais nostalgique. En réalité, je profitai parfois de ces précieux moments de solitude pour écrire à mon père. Pour vider mon trop plein de chagrin, que je me tuais à cacher à longueur de journée. J'avais beau être un rayon de soleil aux yeux des autres élèves, je n'étais pas insensible à mes problèmes non plus. Mes meilleurs amis, ma tortue et mon père étaient les seuls au courant de ce que je ressentais vraiment. Tout le reste de l'académie pensait que j'étais un garçon sans problèmes, qui se foutait de tout, qui n'avait aucune limite et aucune raison de verser la moindre petite larme. Ils connaissaient mon sourire et mon amour. Lorsque je parlai à nouveau, ma voix était voilée par une fine couche de remords.

- Parfois on a besoin de se sentir coupé du monde et d'être quelqu'un d'autre. Tu n'es pas du même avis ?

Je tournai la tête vers elle, les yeux brillants. Il allait falloir que je pense à autre chose. Que je n'aie plus la tête plongée dans les regrets. Je lui souris alors, tentant de conserver mon image. Tant pis, je laisserai mon esprit s'évader une autre fois.

Elle mis un certain temps à répondre. Avant cela, elle déposa ce qu'il semblait être une chauve-souris sur une poutre de la cabane. Je comprenais mieux pourquoi Lucette avait eu peur, elle a toujours eu la frousse quand des volatiles s'approchaient d'elle. Même mon hibou lui faisait peur. Na Yung fini par répondre, toujours aussi froide.

- Surement.

On aurait cru entendre le cousin de Ju Yeong. Toujours froid et inexpressif aussi, celui là. Parfois je me demandais même s'il avait une âme. Elle, je sentais plutôt que c'est davantage de la peur. Ou un manque de confiance. Enfin, elle n'était pas comme ça par nature en tout cas, c'était certain. Je soupirai.

- Pas très causante, hein ? J'ai remarqué comment les autres te traitent. Te regarder de haut, te trouver étrange... C'est vraiment débile. Surtout qu'en 7ème année on est sensé être un peu plus matures que ça. Ils se rendent pas compte que tout le monde n'a pas la chance d'avoir la même vie qu'eux.

Je parlais beaucoup, et elle ne m'écoutait peut-être même pas. J'ai toujours été comme ça. Je pense que c'est comme ça que j'avais pu acquérir la confiance de certaines personnes. J'étais quelqu'un de franc, honnête, et je n'étais méchant avec personne. Certains m'admiraient pour ça. Moi, je trouvais ça tout simplement normal. Pourquoi aurai-je été méchant et menteur alors que personne n'avait cherché à me faire de mal ? Enfin, personne n'avais cherché à me faire du mal sans raison, tout du moins.

- Bref... Rentre tes griffes. Je suis pas là pour me moquer de toi ni pour te juger.

- Pourquoi es-tu gentil avec tout le monde ? Et pourquoi tu prends cette voix toujours posé ?

Question intéressante, certes, mais je ne savais pas vraiment comment y répondre. Je posai Lucette par terre pour qu'elle puisse se promener de son plein gré, et fis apparaître une laitue dans un coin de la pièce. Elle se précipita dessus tandis que je répondais à Na Yung.

- Je préfère répandre mon sourire que mes larmes, c'est tout. J'ai jamais aimé les cages, alors je ne veux pas être enfermé dans une bulle de regrets. Même si les souvenirs sont toujours là, on a l'impression d'être plus heureux quand on essaie de l'être...

On aurait dit que je dissertais. La nuit était presque tombée, on ne voyait plus qu'un tout petit bout rouge du soleil et le ciel prenait une teinte indigo. Quelques étoiles se dessinaient dans le ciel, aux côtés de la lune qui paraissait incroyablement grande. La plupart du temps, à cette-ci, j'étais plutôt en train d'ôter ses vêtements à une demoiselle - ou un damoiseau ! - mais ce soir, j'avais plutôt le coeur dans les étoiles plutôt que dans les draps. De temps en temps, ça me prenait. Je divaguai, encore et encore, pensant à tant de choses que j'en oubliai ce qui m'entourai.

- Je vais te faire une confidence. Mon père est en prison, ma mère s'est suicidée. J'ai plus vraiment de famille, pas d'assez proche en tout cas. Je vis seul. Donc ici c'est un peu comme un foyer pour moi. On a tous des problèmes... Après, on les gère chacun comme on peut.

Lorsqu'elle me tendit sa barre chocolatée, j'eus la conviction qu'elle considérait mon aveux comme une quête de réconfort. Bien qu'un peu de réconfort ne m'aurait pas déplu, ce n'était pas nécessaire pour autant. C'était en revanche très symbolique. Cette fille dont je ne connaissais que le nom et le visage, simplement parce que ça faisait maintenant 7 ans que nous étions dans la même classe, et qui vivait détachée du monde, enfermée dans sa bulle, me donnait quelque sans y avoir été obligée par une règle ou par quelqu'un. Je la pris, rougissant légèrement.

- Je... Merci, c'est gentil. Mais tu sais si je t'ai dit ça c'était pas pour me plaindre hein...

J'étais déstabilisé, en fait. Je n'avais jamais été timide. Mais elle, elle m'intimidait - Peut-être parce que justement il y avait quelque chose chez elle qu'il n'y avait pas chez les autres. La méfiance, à mon avis. Il n'y en avait pas beaucoup qui se méfiaient de moi, lorsque j'abordais les gens ils avaient plutôt tendance à m'accepter à bras ouverts, parfois même sans que je n'aie un effort à faire - ce qui d'ailleurs me frustrait un peu. Mais là, Don Juan avait rangé son masque et son épée pour laisser place à un grand timide - qui l'eût cru ? J'aurais voulu lui donner quelque chose à mon tour, car même si on ne refuse pas un cadeau, ça ne se fait pas non plus d'en accepter un sans rien en retour. Mais en plongeant discrètement ma main dans ma poche, je ne trouvai que ma baguette et un paquet de préservatifs dans l'une, et un petit sachet d'herbe et un briquet dans l'autre. Pas vraiment des cadeaux idéals... Pense bête : ramener un petit quelque chose demain à lui déposer sur son bureau avant qu'elle n'arrive en cours. En levant les yeux vers son visage, je constatai qu'elle n'avait pas l'air très ravie de donner ce bout de chocolat. Je lui souris alors.

- On fait moitié-moitié ?

Je cassai la barre en deux, lui tendant le morceau qui était un peu plus gros.

- M-Merci !

Elle prit le morceau de chocolat que je lui tendait, reculant de plusieurs pas, et le dégusta. Je mangeai l'autre bout, doucement pour l'apprécier, en l'observant grignoter le sien comme si c'était la chose la plus délicieuse qu'elle eut mangé. Il était vraiment bon ce chocolat, mais moi mon pêché mignon c'était plutôt tout ce qui était à base de vanille. Je souriais, encore. Elle avait beau avoir l'air de tout faire pour passer inaperçu, je la trouvais très mignonne, dans sa façon d'agir. J'avais la sensation d'être fasciné par elle, en fait. Elle était là, debout un peu plus loin, et la lumière que générait à présent la lune lui éclairait la moitié du visage. Je crois bien qu'en fait, elle m'attendrissait. Je tournai un peu le fauteuil pour me trouver face à elle. Elle avait mis deux fois plus de temps que moi pour manger son chocolat. Elle fermait les yeux.

- Na Yung ? Je...

Mais qu'est ce que j'avais derrière la tête ? Qu'est-ce que je croyais pouvoir lui dire ? Hé hé Nayoung, hé dis moi, tu veux être mon amie ? Non mais sérieusement, quelle idée. Je baissais finalement les yeux au sol, le coeur battant assez fort. Je n'étais pourtant pas timide. C'était peut-être à cause du lieu et du genre de personne qu'elle était. Je n'avais pas l'habitude de parler à des gens aussi détachés du monde. J'étais mal à l'aise, mais bien à la fois. Elle en revanche, avait l'air tout à fait neutre, inexpressive. J'aurais voulu dire quelque chose, mais je n'arrivais pas. Je gardais alors les yeux rivés au sol, un peu honteux de ne pas trouver mes mots.

- Quoi ? Il y a quelque chose par terre ?

Je me mordis la lèvre. Je levai finalement la tête, dans un mouvement un peu brusque. J'espérai ne pas lui avoir fait peur. Elle avait l'air si craintive...

- Non non... Je me demandais juste...

J'hésitai. Je ne savais pas quoi lui dire. Je cherchai mes mots, regardant un peu partout autour de moi, passant une main dans mes cheveux. Je vois du coin de l'oeil la silhouette de Lucette se déplacer dans la pénombre. Elle alla étrangement frotter sa tête à la jambe de Na Yung.

- ... Je me demandais pourquoi tu es si distante avec les gens. Ma tortue a l'air de t'apprécier en tout cas.

Je laissai échapper un petit ricanement, encore une fois attendri. Elle n'avait jamais fait ça. Même pas à Ju Yeong, pourtant lui il l'adorait. J'étais étonné. Je me levai et m'approchai de Na Yung pour me baisser et récupérer ma tortue, avant de me relever avec le sourire au lèvres, une fois de plus. Je rougissais encore. Nom d'un gobelin, j'avais pas mieux à faire que de rougir ? Après quelques instants à la regarder dans les yeux, je reculai de quelques pas, gêné, regardant ailleurs.

- Désolé.

- Personne ne m'aime et je n'aime personne.

Ah oui, ça, c'était violent. Elle était de nouveau plus froide. J'avais soulevé une question qu'il ne fallait pas, apparemment. Je me sentais vraiment gêné. Elle m'impressionnait plus que je ne l'aurais cru. Toutes ces fois où je l'avais vue dans le fond de la classe, et où je n'avais pas fait spécialement attention à elle, elle ne m'avait jamais paru si intimidante. Mais maintenant que je me trouvais seul ici avec elle, j'avais l'impression d'être sur une autre planète. J'avais l'habitude de copiner avec les gens très facilement, avoir des contacts physiques, rire ensemble dès ma première rencontre avec eux. Cette fois c'était différent. Je ne pouvais pas m'approcher d'elle, je ne pouvais pas lui lancer une blague ou lui glisser un bout de papier avec mon numéro de chambre dans la poche arrière, des trucs comme ça. De toute façon ce que je ressentais à cet instant n'était même pas de l'attirance. Même si, c'est vrai, j'étais un dragueur par nature, ce n'étaient ni la forme arrondie de sa poitrine, ni ses lèvres qui m'attiraient mais ses yeux. Ils étaient si triste... Quoi qu'il en soit, sa réponse me calma un bon coup. Ma réponse à moi, fut sèche, à cause du frein qu'elle m'avait mis en disant cela.

- Je vois. Tu vis dans ta bulle, et ta haine t'aveugle.

J'étais vexé. C'était si facile de tirer des conclusions sans avoir essayé d'en faire l'expérience ! Mon coeur était lourd. J'avais le sentiment que quoi que je fasse, elle resterait distante. Et ça me décevait, car pour une fois, j'aurais voulu que les choses soient faciles. C'était la première fois que je rencontrai quelqu'un ici. La première fois que je laissais un peu sortir le vrai moi devant quelqu'un. J'aurais espéré que ce quelqu'un ne me soit pas froid comme le marbre au point de me refroidir moi-même. Je me mis à la fenêtre, respirant l'air frais de dehors et serrant ma tortue contre moi. J'appuyais ma tête contre le carreau, les yeux perdus dans le vide.

- Moi j'pensais qu'on aurait bien pu s'entendre. Dommage.

Je sentis l'atmosphère changé d'un coup. Ma réponse avait été trop brutal. Je le voyais plus gêner qu'avant, embarrassé. Mais je ne pus lui dire autre chose que cela.

- Je vois. Tu vis dans ta bulle, et ta haine t'aveugle.

Ces mots me vexèrent. Si seulement je pouvais lui dire ce qui m'a rendu comme ça. Je voulais pleurer. Je le regardais avec de la haine, non pas contre lui mais contre les mots qu'il avaient lâcher. Oui, ces mots. A cause de mon passé, je ne pouvais pas être une jeune fille normal. Je voulais tout lui dire, j'avais besoin de dire ce que j'avais sur le coeur ! Mais je ne pouvais pas, ou alors je ne voulais pas. Pour ne pas être plus blesser, je me suis faite cette "enveloppe". Au moins, avec ça, personne ne pourrait t'amocher physiquement ou psychologiquement mais on devenait seul, froid et distant. Je n'était pas prête à tout lui dire, ma chauve-souris se posa sur mon épaule, comme pour me réconforter. Je baissais les yeux, se rendant compte des mots froids dit précédemment. Enfaite, j'avais peur. Peur que ça recommence comme avant... Il s'approcha de la vitre et regardais au loin. Il n'avait plus ce regard qui m'attirais tant.

- Moi j'pensais qu'on aurait bien pu s'entendre. Dommage.

Pourquoi a-t-il dit ça ? Cette parole me cloua sur place. Je mordais ma lèvre inférieur et ma chauve-souris couinais. Mon regard était triste je ne dis aucun mot. Je reculais doucement croyant que ces mots me demandait de partir. C'est pour ça que je suis froide, je ne veux plus souffrir ou qu'on me rejette.

Je l'entendis faire quelques pas. Sur le coup j'ai espéré qu'elle s'approchait, mais non. Les pas prenaient, à nouveau, de la distance. Je me retournais alors, vivement, les yeux mouillés de quelque chose comme des larmes qui ne voulaient pas couleur. Je l'attrapai au poignet sans réfléchir, évitant tout de même d'être trop brusque. Ma main s'était refermée doucement dessus comme pour toucher quelque chose de fragile. Je n'aurais peut-être pas dû être aussi méchant, dans mes mots. J'avais tellement l'habitude d'être gentil pour plaire au monde et croire au bonheur que j'en avais oublié que certains étaient aussi sensibles que moi, parfois même plus, même si d'autres l'étaient moins.

- Attends, s'il te plaît ! Je ne voulais pas te... Te blesser. Je te demande pardon... C'est que, j'ai pas l'habitude d'être sérieux avec les gens, et... Je... Je te trouve très attirante...

Je lâchai son poignet, conscient que ce n'était pas à moi de choisir si elle resterait ou si elle partirait. Je n'arrivais pas à détacher mon regard du sien. Ses yeux n'étaient pas si expressifs qu'ils n'en avaient l'air, et je cru lire une sorte de confusion. Est-ce qu'elle était perdue ? Est-ce que je lui faisais peur ? Ou peut-être qu'elle avait du mal à comprendre ce qui se passait ? A vrai dire j'étais moi-même dans tous ces états là. J'avais vraiment l'impression d'être ailleurs. Elle était d'une beauté glaciale, et j'avais une sincère envie de lui réchauffer le coeur, lui arracher un sourire, mais comment ? A trop me poser des questions, j'avais fini par perdre le contrôle et lui parler plus froidement que je ne l'aurais voulu. Peut-être fallait-il finalement la laisser faire ses propres choix, poser ses propres questions et faire un pas vers moi uniquement si elle, elle en éprouvait l'envie ou le besoin. Il y avait encore des tas de questions qui me traversaient l'esprit, mais il fallait que je la laisse décider de la suite des évènements. J'inspirai un grand coup, faisais de mon mieux pour sourire à nouveau car il me semblait qu'elle était moins effrayée lorsque je me montrais sous mon meilleur jour.

Je reculais pour atteindre la porte, triste certes, mais j'avais l'habitude d'être rejeté comme ça. Ma chauve-souris s'envola quand il me prit le poignet assez vite, je n'avais pas assez de temps pour reculer. Je voulu me dégager, j'avais pris peur et mon coeur battait rapidement. Pourquoi faisait-il ça ? Je regardais mon poignet dans ces mains douces et chaudes, il ne me serrait pas mais assez pour me tenir. Je n'aimais pas être toucher par un homme, ça me rappelai trop mon douloureux passé où mon père me... Je voulais pas y pensé. Puis cette image est revenu. Non, je voulais plus la voir, elle me faisait peur, tellement peur. Je voulais pas que sa recommence..

- Attends, s'il te plaît ! Je ne voulais pas te... Te blesser. Je te demande pardon... C'est que, j'ai pas l'habitude d'être sérieux avec les gens, et... Je... Je te trouve très attirante...

Il lacha mon poignet quand il finissait les derniers mots. Il avait dit quoi ? Je ressentais un mélange de peur, d'étonnement et de confusion. Personne ne m'avait dis ça avant.. Sa m'avais tellement choqué que je me plaqua dans un coin. Je te regardais toujours avec cette expression de peur. Je savais très bien qu'il regrettais se qu'il avait dit mais, avec ces excuses, voulait-il que... je reste ? J'en savais rien, je ressentis de la frustration car je ne connaissais pas les émotions du bonheur, du désir ou le simple fait d'être heureux. Il avait les larmes aux yeux, pourquoi ? Trop de question se bousculais dans ma tête. L'image revint, plus violente. Je mis mes mains sur ma tête, me baissa pour me retrouver accroupis et lâcha quelque larmes. Je tremblais. Je savais bien que ce n'étais pas de sa fautes, il ne me faisait pas peur contrairement aux autres. Alors pourquoi je réagissais tout le temps pareil lorsqu'un garçon me touche ? Lui il était plutôt doux, gentil. J'étais recroqueviller sur moi même, me faisant toute petite. Je voulu m'excuser mais l'émotion que je ressentais était plus forte.

J'avais apparemment encore fait une bêtise. Elle se recroquevilla dans un coin, en larmes. Je ne comprenais pas vraiment ce nouveau comportement. J'avais mal au coeur pour elle, je ne savais pas quoi faire pour l'aider. Si elle n'était pas bavarde et n'aimait pas les contacts physique, ça allait être difficile de la rassurer. Surtout qu'elle semblait très fragile. Je restais là, à la regarder, ne sachant pas quoi dire ni quoi faire, jusqu'à ce qu'une idée me vint. Un peu de magie ne ferait pas de mal. Je me demandais si on avait déjà fait de la belle magie pour elle. Moi, j'en avais rarement fait, c'est vrai. Je sorti ma baguette et en fis jaillir une nuée de papillons multicolores, qui voletaient, légers, et s'évaporaient près d'elle en une pluie de paillettes dorées. C'était un sort que m'avait appris Young Young. Une magie qui paraissait simple mais qui était en réalité très difficile à réaliser. Je me rapprochais lentement, à pas de velours, continuant à faire sortir des papillons de mon bout de bois magique. Je finis par m'asseoir à côté d'elle. J'avais une sensation étrange. Était-ce raisonnable de me rapprocher autant alors que le simple fait de lui avoir tenu le poignet lui avait fait si peur ? Mais d'un autre côté, était-ce mieux de rester loin, à la regarder sans rien faire ? Je n'étais pas quelqu'un de dangereux, elle devait sûrement s'en être rendue compte, mais elle avait sûrement ses raisons d'être effrayée. Je parlai le plus doucement possible pour ne pas lui faire peur à nouveau. En fait, je parlais dans un souffle.

- Désolé de t'avoir fait peur. Si tu veux que je m'en ailles, dis le et je partirais...

C'était la troisième fois que je m'excusais auprès d'elle ce soir. Je me sentais stupide. Je faisais tout de travers. Je posai à nouveau ma tortue par terre, et regardai ensuite mes doigts que j'entortillais nerveusement les uns avec les autres.

A vrai dire, je ne lâcha que 2-3 larmes. C'est vrai que j'avais peur, mais pas de lui. Je savais qu'il voulait me rassurer, me dire que tout le monde n'est pas si méchant que je le pensais, ma tête voulait le croire mais pas mon cœur. Je sentis un petit air frais, releva ma tête et aperçu des petits papillons avec pleins de paillettes dorées. C'était beau, si beau que sa me réchauffa un peu le cœur et enleva cette images de ma tête. Il s’asseya à coté de moi. Je ne pris pas peur, ce tour m'avais apaisé. A vrai dire, je me sentais bien avec lui. Mais c'est pas pour autant que je baisserai complètement ma garde. Il parla tout doucement, surement pour ne pas m’effrayer.

- Désolé de t'avoir fait peur. Si tu veux que je m'en ailles, dis le et je partirais...

Je voulais pas qu'il s'en aille, c'était la première fois que quelqu'un me trouvais pas bizarre. C'est vrai qu'il m'avait fait peur mais je ne lui en voulait pas. Alors je lui répondis.

- C'est plutôt à moi de m'excuser. Comme tu as pu le voir, je suis une fille qui a peur d'être touché, qui s'est construit une bulle, qui ne sais pas ce qu'est l'amour.. Une fille bizarre quoi.

Je le regarda puis me leva quand je vis la pleine lune. Je regarda l'heure, il était minuit. Je regarda la belle lune ronde avec de grand yeux, en respirant par la bouche. J'avais oublié que c'était la pleine lune. Je ne pensais pas qu'il y aurai le garçon de ma classe dans la cabane. En fais, un jour tout les mois, je me réfugiais ici, pour ne pas montré ce que me faisait cette boule de lumière. Je devenais souriante, gentil, ouverte. Mais je n'aimais pas cette double personnalité. Je me suis retourné, sans expression, à ma place, me serrant un peu plus à toi sans faire exprès.

- C'est plutôt à moi de m'excuser. Comme tu as pu le voir, je suis une fille qui a peur d'être touché, qui s'est construit une bulle, qui ne sais pas ce qu'est l'amour.. Une fille bizarre quoi.

C'était étrange, mais ses paroles me rassurèrent. Mon sortilège avait l'air de l'avoir apaisée. Je pouvais remercier la partie de moi qui était tombée amoureuse du petit génie deux ans auparavant, car les sorts qu'il m'avait appris ou montrés à cette époque m'étaient toujours utiles un jour ou l'autre. Je me promis intérieurement d'aller le remercier une fois qu'il serait rentré à l'Académie. Na Yung se leva, les yeux rivés sur la pleine lune. Je restai assis, à la regarder aussi. Quelques instants plus tard, elle revint s'assoir, un peu plus serrée à moi. Je sentis un léger frisson me parcourir. Ce n'était pourtant qu'un léger rapprochement, et pourtant j'avais la même sensation que si elle avait posé sa tête sur mon épaule ou qu'elle m'avait pris la main. La tête appuyée contre le mur de bois et tournée vers elle, je retrouvai peu à peu le sourire que j'affichai lors des premiers mots que l'on s'était échangé ce soir.

- Tu n'es pas bizarre. Pas à mes yeux en tout cas.

Je me sentais de plus en plus attiré par elle, mais par peur de l'effrayer, je ne m'aventurai même pas à essayer de toucher un seul de ses cheveux. Si elle voulait vaincre sa peur du contact, il allait falloir que ce soit elle qui fasse le premier pas, ne serait-ce que par respect pour elle. Je ne respectai jamais les tabous ni les règles mais les personnes et leur volonté, elles, étaient trop précieuses pour que je leur manque de respect. Le seul contact que je m'autorisait était mon regard, qui, lui, ne se gênait pas pour s'accrocher à ses yeux.

Je me tourna et le regarda dans les yeux la bouche entrouverte, j'avais cette manie de toujours ouvrir ma bouche quand j'étais étonné. "Tu n'est pas bizarre. Pas à mes yeux en tout cas.", c'est ce qu'il avait dit, devant moi. Il avait quelque chose qui ne m’effrayait pas. Ces mots me firent un bien fou, que je ne montra pas évidemment. Une nouvelle brise entra dans la seule pièce de la cabane qui caressa ma joue et fit envoler mes long cheveux. Je me releva une nouvelle fois pour me diriger vers la fenêtre, à vrai dire, j'avais un peu chaud. Il me regardais tout le temps, je me tourna vers lui et pour la première fois, j'essayais de lui sourire. En fait, c'était un tout petit sourire, mais qui me réchauffa. Je toucha mes joues, elle étaient toutes chaudes. Était-ce la lune qui me jouais un tour ? ou mon corps qui subissait un étrange phénomène ? J'en savais rien, ça me frustra encore intérieurement. Je connaissais aucun de ces phénomènes qui sont, pour les gens normaux, tout à fait naturels. Je m'asseyais enfin sur le fauteuil qu'il fit apparaître des heures plut tôt. On était bien dedans, ma chauve-souris se posa sur ma poitrine en couinant, elle voulait surement être dorloter. Je me mis à lui caresser doucement la tête en la regardant.

Elle entrouvrit la bouche. Un court instant j'ai cru qu'elle allait le faire, ce premier pas ; mais non. Elle se leva pour aller se mettre à la fenêtre un moment, les cheveux bercés par la brise. Finalement, elle se retourna et m'esquissa un sourire. C'était un tout petit sourire, presque invisible, mais je l'ai vu, et je l'ai adoré. La glace qui nous séparait s'était brisée - en partie. Elle s'installa dans le fauteuil que j'avais fait apparaître pour elle, accompagnée de sa tortue. Je restai immobile, un sourire bloqué sur le visage. Comme envoûté.

C'est dingue, j'étais venu ici pour un peu de solitude et de confort pour le court laps de temps que durait le coucher de soleil, et je me retrouvais finalement assis sur le plancher, contre le mur, à rêvasser en regardant une jeune fille de ma classe à qui je n'avais jamais vraiment prêté attention auparavant. Je ne bougea pas. Dans l'angle où je me trouvai, je pouvais bien la voir. Je n'essayai même pas d'être discret - à quoi bon cacher que je la trouvais fascinante ? D'autant plus que je ne la dévisageai pas désagréablement. J'aurais pu rester comme ça des heures et des heures. Peu m'importait la poussière par terre. Peu m'importait la nuit et le règlement qui disait qu'on devait être à nos dortoirs à cette heure ci. Je pouvais bien faire une nuit blanche à la regarder. Je ne ressentais même pas le froid de la nuit, j'avais chaud. Tellement chaud... J'arrachai presque ma cravate à mon cou et ouvris les deux premiers boutons, profitant qu'elle ne me regardait pas - Je ne voulais pas qu'elle prenne ça pour une invitation - et secouai la tête. Une nouvelle brise passa et, les cheveux en bataille, je repris mon observation. Elle caressait sa chauve-souris. Oh, si seulement ma petite Lucette était aussi câline ! Moi qui aime les câlins...